La naissance des radios libres sur la FM

Jusqu’à la fin des années 70, sur les récepteurs à lampes comme sur les transistors, on ne peut écouter que France Inter, France Musique et France Culture, et les radios périphériques RTL (Luxembourg), RMC (Monte-Carlo), Europe 1 (Allemagne), Sud-Radio (Andorre), dont les émetteurs sont implantés hors du territoire français, les postes ne reçoivent alors pour la plupart qu’en modulation d’amplitude en GO-PO-OC, la qualité est médiocre. La FM (modulation de fréquence) couvre très mal le territoire et ne diffuse que les 3 chaînes de Radio France et très rares sont les récepteurs adaptés. Mais dans la deuxième partie des années 70, la France découvre les radios pirates. Nous ne parlons pas là de Radio Caroline, mais des radios politisées, contestataires et de lutte comme celle des sidérurgistes lorrains, Radio Lorraine Cœur d’Acier, des écolos, Radio Verte, ou à Lyon Radio Active, etc. A l’époque, émettre sur la bande FM est un délit aussi le Ministère de l’Intérieur brouille, poursuit, saisit et inculpe les pirates qui sans cesse vont changer de lieu d’émission. Ceux qui se font prendre encourent jusqu’à 100 000 francs d’amende et un an de prison. Le parti Socialiste monte sa radio pirate, Radio Riposte, en 1979, Mitterrand et Fabius qui oseront causer dans le poste seront inculpés. Et puis se fut la campagne électorale de 1981. Pour la première fois dans la Vème République, un Président de gauche allait être élu au suffrage universel, porté par l’union de la gauche et un programme commun de gouvernement. Durant sa campagne François Mitterrand promet alors, s’il est élu, de libérer les ondes et de rompre le monopole d’état. Sans plus attendre fleurissent un peu partout des radios “pirates”, émanant de forces de la gauche qui viennent soutenir leur candidat. Les émetteurs clandestins sont toujours pourchassés par les forces de l’ordre, à peine saisis d’autres, faits de moyens de fortune le plus souvent, prennent le relais. Cette partie de cache-cache durera jusqu’au lendemain de l’élection présidentielle.

Le soir du 10 mai 1981

Ce soir là nous étions quelques amis rassemblés pour faire la fête. Un directeur de centre de formation, quelques formateurs à l’audiovisuel, trois acteurs de théâtre, un enseignant, une secrétaire de mairie, des militants tous heureux des résultats. C’est alors que vint l’idée, pourquoi ne pas faire une radio libre dans le centre de formation puisque nous avons déjà tout le matériel de studio sur place, il ne manque que la partie émission. Sitôt dit sitôt fait, enfin presque… lancer une souscription, rassembler 20 000 francs et courir en Italie acheter un émetteur de bonne qualité, fabriquer une antenne et l’installer sur le toit, ça y est, en juin les émissions commencent : Radio Grésivaudan, à Crolles (Isère), vient de naître et avec elle naissait la passion d’un homme, passion qui ne l’a plus quitté.

C’était une époque sensationnelle, nous débutions tous et il nous fallait tout inventer. Nous avions conscience que la radio libre ne pouvait pas ressembler aux radios du monopole, évidemment, mais nous n’avions pas d’autre modèle. Se posaient des questions qui nous paraîtraient ridicules aujourd’hui ; qui sait parler, qui peut parler, qui doit parler ? D’autres questionnements sont toujours d’actualité ; à quoi sert-on, qui nous écoute, ou quelle image a-t-on de nous ? En 1981, il n’y avait que très peu de récepteurs équipés de la FM, cette pénurie très gênante sera compensée petit à petit mais il faudra distribuer des récepteurs gratuits, le plus souvent publicitaires, ou vendre pour 10 ou 20 francs des mini postes de bien piètre qualité. Mais à l’époque nous n’émettions pas en stéréo, seule France Musique avait ce privilège, et les auditeurs étaient bien plus curieux, tout nouveau tout beau, et même avec un récepteur médiocre le son était déjà bien meilleur que sur les grandes ondes en AM. Les jeunes se mirent tout de suite à notre écoute, comme ils se mettent sur les réseaux du net aujourd’hui.

Author: Jean François